Le scarabée pique-prune bloque l'autoroute A-28

LE QUOTIDIEN


L'autoroute se resserre autour du pique-prune
L'allié du scarabée, chargé du rapport sur l'A28, est remplacé.

Par CATHERINE COROLLER

Le lundi 18 octobre 1999


 

 
 
 
 

Patrick Blandin, le remplaçant du professeur Luce, est moins pessimiste quant au sort du scarabée. Selon lui, grâce à un aménagement, l'autoroute peut être construite.

  Le pique-prune, ce scarabée rare dont la sauvegarde bloque depuis trois ans la construction de l'autoroute A28, a perdu cet automne l'un de ses plus précieux alliés. Jean-Marie Luce, expert du Muséum national d'histoire naturelle, a été dessaisi sans ménagements du dossier. C'est à son supérieur hiérarchique Patrick Blandin qu'a été confié le soin de rédiger le rapport final sur «les conséquences de la construction de l'autoroute A28 sur les populations sarthoises des espèces de coléoptères protégées par la directive européenne 43/92». Ce changement inquiète vivement les Verts sarthois. Car, le 8 octobre, le nouvel expert a publiquement défendu un point de vue nettement plus nuancé que son prédécesseur. «Les scientifiques considèrent aujourd'hui que la construction de l'A28 ne met pas en danger la vie du pique-prune», titrait le lendemain le Maine-Libre. Une conclusion exactement inverse à celle de Jean-Marie Luce (Libération du 22 janvier).

«Biodiversité». La construction de l'autoroute A28, entre Alençon et Tours, a été décidée en 1993. Sur 8 km, la nouvelle voie doit traverser le massif forestier de Bercé, «un milieu très intéressant en termes de biodiversité», soulignent les écologistes qui militent contre le projet. Christophe Beurois, militant vert sarthois, se souvient de l'entrée en scène du professeur Luce: «Un type se pointe en Mobylette dans une des manifs et nous dit qu'il a trouvé, au sein du massif, une espèce protégée: le pique-prune.» Ce scarabée étant protégé par la convention internationale de Berne, la directive européenne Habitat de juin 1992 et un décret français de juillet 1993, les travaux de construction de l'autoroute sont aussitôt interrompus. Et Jean-Marie Luce, alors enseignant au lycée Carnot de Paris, appelé et mis à la disposition du Muséum national d'histoire naturelle pour 29 mois (du 1er avril 1997 au 31 août 1999).

Au début du mois d'août dernier, Jean-Marie Luce rend un prérapport dans lequel il pointe les effets négatifs de la construction de l'A28 pour l'espèce. Pour sauver le pique-prune, le scientifique recommande des passages à faune enjambant l'autoroute «à condition que ceux-ci soient bien étudiés et disposés, en nombre suffisant, à des endroits adéquats». Mais ce n'est pas ce que prévoit le projet: «En raison des carences des études d'impact initiales», les passages prévus «ne sont ni bien conçus, ni bien disposés pour la mésofaune», regrette Jean-Marie Luce.

Le chantier est interrompu. Le 15 août 1999, Jean-Claude Gayssot, ministre des Transports, se dit prêt, dans une interview au Journal du dimanche, à revoir le tracé de l'A28. Les élus locaux sont furieux. Emmenés par le président de la région Pays de la Loire, François Fillon, les parlementaires de la Sarthe écrivent au ministre pour lui demander de poursuivre les travaux tout en respectant l'environnement du pique-prune.

Patrick Blandin, qui est donc chargé de la mise en forme finale des vingt-neuf mois de travail de Jean-Marie Luce, est moins pessimiste que son élève. Selon lui, l'aménagement à côté de l'autoroute de «noyaux importants, d'au minimum 10 000 arbres, favorables à l'habitat du pique-prune», permettrait la conservation de l'espèce. Mais Jean-Marie Luce n'est pas d'accord. Pour se nourrir et se reproduire, le scarabée doit pouvoir se déplacer sur une zone suffisante. Ce qui n'est pas le cas d'un noyau même de 10 000 arbres. 

Survie. Après la remise du rapport final, le ministère des Transports décidera de la suite à donner à la construction de l'autoroute. Reste qu'il ne peut pas se permettre de faire n'importe quoi. Si l'Union européenne, qui veille soigneusement à la survie de cette espèce très protégée, juge que les projets français sont incompatibles avec sa survie, elle traînera la France devant les tribunaux.



©Libération


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