Le scarabée pique-prune bloque l'autoroute A-28

LES PROCEDURES DE CLASSEMENT DES SITES SARTHOIS
SONT EN COURS

12 mars 2000

Une des conséquences des décisions de l’État sur le dossier de l’autoroute A28 est d’engager, dans le cadre de la directive 92/43 dite Habitat, les procédures de classement en NATURA 2000 des sites Sarthois abritant le scarabée “Pique-prune“. Cette démarche, obligatoire au regard du statut de protection de l’espèce, en est à son tout début. Une mission d’étude a été confiée à l’automne dernier à un cabinet privé, OGE, pour dresser un état des lieux des populations et proposer des périmètres sur des bases scientifiques.

Les premiers résultats de cette étude viennent d’être présentés au comité de pilotage du projet NATURA. De toute évidence, le premier travail, en dehors de l’analyse scientifique, est de définir un périmètre sur lequel pourra être mené des actions de conservation , voir de restauration des milieux. L’enjeux de ce travail n’est pas mince, surtout quand on garde à l’esprit le problème de l’arrêt de l’autoroute A28 à cause des ces est grande mêmes Habitats. La tentation en effet pour certains services de l’État de choisir un périmètre lointain du fuseau autoroutier, donnant ainsi un gage de bonne volonté à l’Europe, bien fâchée sur ce dossier, et de relancer dans la foulée le projet de cet autoroute inutile et dévastateur.

Nous sommes bien entendu très méfiants sur l’honnêteté intellectuelle de bon nombre des intervenants de la démarche, notamment ceux issus des DDE, DDAF ou chambres d’agriculture, chacun ayant des intérêts forts éloignés de la préservation de la biodiversité et plutôt portés sur les grands aménagements, qu’ils soient fonciers ou autoroutiers. De la même façon, le choix du cabinet OGE pour conduire cette étude ne cesse de nous interpeller. Cette structure, disposant de compétences avérées, est malheureusement déjà en charge des études d’environnement pour COFIROUTE, constructeur de l’A28 et par là-même bien malheureux de ces complications. Espérons que la déontologie d’OGE sera assez forte pour assumer cette double casquette et que le chant des sirènes autoroutières sera moins fort que celui des oiseaux de nos bocages.

Cet état des lieux n’est pas de nature à assurer la sérénité des débats mais nous avons décidé de ne pas faire de procès d’intention et de juger sur pièce. De toute façon, il y a peu d’intervenants sur la trentaine de membres de ce comité qui peuvent prétendre avoir une réelle compréhension des enjeux en droit communautaire et de la mécanique de la directive 92/43 Habitat. Nos marges de manœuvre sont toujours là: Ils restent dans la poêle et nous tenons toujours le manche.

Suite à la réunion en préfecture du Mans en date du 9 Mars 2000 relative à la détermination de périmètre dans le cadre de la procédure de classement Natura 2000 des habitats Pique-prune, nos commentaires et propositions sont les suivants :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Il ressort de l’étude partielle conduite par le cabinet OGE que les sites Sarthois abritant Osmoderma eremita sont très importants en terme de densité de population, même si nous notons que des extensions d’études seraient judicieuses à conduire dans les départements limitrophes de l’Orne et de la Mayenne.

Il se confirme également que les habitats se divisent en deux catégories bien distinctes, les vergers à châtaigniers d’une part et les bocages denses abritant entre autre des arbres âgés( chênes, frênes, châtaigniers, etc.) traités traditionnellement en “têtard” pour une exploitation des ressources de bois de chauffage. Les caractéristiques de ces deux habitats sont profondément différentes en terme de définition et répartition géographique, de modalités de gestion, de caractéristiques de milieux naturels et de dynamique de population.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

A-les habitats Vergers de châtaigniers et alignement de châtaigniers

Cet habitat se caractérise par des groupes de châtaigniers greffés âgés plantés en alignement ou en groupe compact, distant de 10 à 15 mètres. Les groupes peuvent compter jusqu’à 30 unités sur une surface restreinte et homogène, clairement identifiable. Ce type d’habitat est quasi systématiquement colonisé par Osmoderma et les autres coléoptères saproxyliques.

D’évidence, la gestion de ce type de site est simplifié par le caractère homogène de l’habitat, la pérennité des châtaigniers greffés et la densité de la population abrité.

On peut également noter l’attachement local à ce patrimoine historique qui doit favoriser une acceptation plus facile pour les propriétaires des mesures de conservation/restauration.

 

 

 

 

Nous pensons qu’il faut donc impérativement conduire la réflexion sur la définition des périmètres de désignation d’une façon disjointe sur ces deux types d’habitat.

De même, il convient aujourd’hui que nous disposions des cartes de répartition des habitats issues du travail d’OGE, utilisables en terme de localisation géographique à l’échelle du département de la Sarthe pour que nous puissions éventuellement les compléter par les données collectées à travers le tissu associatif local depuis maintenant cinq années. Ce croisement de données soulagera OGE d’une partie des inventaires détaillés dont nous avons compris la difficulté au regard de l’étendue géographique concernée et des lacunes actuelles.

Cette étape est bien évidement de notre point de vue un préalable à une définition de périmètre et peut se conduire de façon rapide dès lors que nous disposerons des documents OGE et cela ne nous semble pas de nature à remettre en cause le calendrier de transmission des périmètres.

 

 

 

 

 

 

Les distances entre ces groupes homogènes d’habitats sont variables, parfois favorables à des connexions entre groupes. Cependant, la localisation géographique de ces vergers se situe dans le sud-est du département dans un secteur où le maillage bocager présente encore une qualité importante.

On peut donc envisager dans la plupart des cas que la dispersion territoriale des vergers soit minimisée par une utilisation du maillage bocager résiduel, en envisageant éventuellement des actions de restauration pour favoriser ces échanges.

En résumé, les caractéristiques principales sont:

Conclusions et recommandations pour l‘habitat châtaigner:

  1. Au regard des études OGE, il apparaît opportun de se rapprocher le plus possible d’un inventaire exhaustif de ce type d’habitat dans le sud-est du département, en mettant à contribution le tissu associatif, conservatoire, collectivité locale, etc.
  2. D’opérer un classement des groupes en fonction du nombre d’arbre et de leur disposition.
  3. D’estimer la qualité des milieux bocagers périphériques en vue d’apprécier la qualité du réseau actuel et d’en déterminer les possibilités de renforcement.
  4. L’intérêt définitif d’un groupe voir d’un individu au regard de l’objectif de conservation se traduira par l’analyse des points 2 et 3, un individu isolé pouvant parfois être plus important qu’un groupe par son rôle de connexion entre deux noyaux denses de population.

Proposition de périmètre:

Nous souhaitons donc que soit étudiée une proposition de périmètre incluant l’ensemble des populations de châtaigniers greffés du sud-est du département de la Sarthe. C’est de notre point de vue la meilleure façon d’arriver à un programme de conservation cohérent au regard des objectifs de la directive 92/43. Cette proposition de périmètre s’inscrit géographiquement dans le cadre du Pays “Vallée du Loir” en cours de finalisation qui, à travers sa charte, devrait prévoir une attention toute particulière à la qualité des paysages et des milieux naturels. Il est à noter que l’organisme pilote du Pays a déjà anticipé, éditant une brochure intitulée “le circuit des nouzillards”, terme local pour les châtaigniers greffés.

L’adéquation entre le périmètre et la notion de Pays émergeant ne pourrait que renforcer la cohérence de ce programme de conservation.

La deuxième réflexion relative aux habitats bocage est plus difficile à mener dans l’état actuel des connaissances et de l’étude OGE.

B-les habitats du bocage

Les points importants que nous avons notés sont les suivants:

- Les inventaires aériens d’OGE ont mis en évidence la présence de secteurs où le maillage bocager présente des caractéristiques favorables aux espèces de coléoptères.

- La connaissance actuelle de ce maillage est par contre aujourd’hui insuffisante pour réellement déterminer la densité de la présence de l’espèce dans ces bocages.

- Il manque des notions essentielles en terme de caractérisation qualitative des bocages, notamment par rapport à la constitution des haies. Il faudrait en effet s’attacher, en plus de la densité du maillage, à déterminer le % d’arbres habitat potentiel, en inventoriant les classes d’age, les essences, leur état de conservation/dégradation, les perspectives d’évolution de l’existant en terme biologique.

- Ce type d’inventaire complémentaire est un travail de longue haleine, même en faisant appel au monde associatif. La précision des informations nécessaires à une juste appréciation de la qualité des habitats s’accommode mal avec le calendrier des propositions de périmètre.

- Il y a une réelle difficulté à identifier dans ces bocages des noyaux durs d’habitats représentatifs d’un habitat dense favorable à l’espèce et effectivement occupé. La découverte de taxon isolé n’est pas en soi une preuve suffisante.

Conclusions et recommandations

- Les caractéristiques de cet habitat, au stade actuel des connaissances d‘OGE, ne permettent pas de dégager des noyaux durs de population.

- Les inventaires qualitatifs doivent se poursuivre sur les trois grands secteurs identifiés. L’ appel aux données associatives peut permettre là-aussi de gagner du temps et de valider les données OGE.

Proposition de périmètre

Au regard du travail qui nous a été présenté ce jeudi 9 Mars, il ne nous semble pas raisonnable de proposer un périmètre. Il faut impérativement compléter l’étude actuelle par des éléments plus caractérisant de la densité de la présence de l’espèce.

Nous pensons que la notion d’habitat potentiel doit être affiner sur ces habitats bocages au regard de ce qui a été dit précédemment.

Toute décision sur les bases scientifiques disponibles actuellement nous semble prématurée et ne serait pas acceptable de ce fait par les instances communautaires.

Nous ne proposons donc pas de périmètre pour ces secteurs bocages et ne cautionnerons aucunes propositions issues de bases scientifiques aussi fragiles.

Nous recommandons par contre, au regard du potentiel de ces secteurs bocagers, de compléter au plus vite les éléments d’appréciation afin d’étayer scientifiquement la proposition de périmètre.

La méthodologie, une fois ces éléments connus, pourrait être la suivante:

En conclusion:

Dans le cas des habitats “châtaigner” et dans un souci d’assurer la cohérence de la démarche actuelle, il nous semble important d’y inclure d’une façon transversale la procédure relative à la désignation d’un périmètre pour la “vallée du loir”. En effet, il apparaît que des habitats tout à fait remarquables sont présents dans cette vallée, de part et d’autre du Loir, avec un maillage bocager dans les prairies humides tout à fait intéressant. Le cloisonnement des procédures de propositions de périmètres est justifiée dans le cadre de deux SIC distinctes mais force est de constater que les deux périmètres se télescopent sur une superficie non négligeable.

C’est particulièrement valide pour les secteurs compris entre les villes de Vaas et de Château du Loir.

Nous pensons que la bonne approche est bien évidement fondée sur la pertinence scientifique des propositions mais que dans ce cas d’espèce, elle pourrait rejoindre une problématique liée au “Pays Vallée du Loir” qui verrait ainsi une partie conséquente de son territoire engagée dans une politique ambitieuse de gestion de son patrimoine naturel. La recherche actuelle menée par le comité de pilotage de cette instance émergeante pour le renforcement de son identité pourrait sans doute que s’enrichir d’une telle réflexion.

Nos contacts actuels avec les élus en charge de ce Pays nous laissent à penser que cette opportunité serait appréciée.

La problématique simplifiée:

Il y a deux systèmes pour définir des périmètres dans le cas des vergers à châtaigniers.

-1-On peut choisir de définir des sites épousant la surface exacte des vergers les plus remarquables (4 ou 5) et y conduire des opérations de conservation pure. On achète les parcelles, on met sous cloche avec de belles pancartes et on continue de détruire le reste avec la bonne conscience afférente à tout techno qui se respecte. C’est visiblement la solution qui satisferait au mieux les intérêts de notre conseil général, du Préfet et des promoteurs de l’autoroute.

C’est de toute évidence irrecevable au regard de la directive , ce qui ne veut pas dire que nos services déconcentrés de l’État ne retiendrons pas cette solution. C’est le système à minima qui préserve une quantité négligeable de l’espèce avec pour objectif de rester dans l’effet d’annonce. Sur environ 15 000 Ha d’habitat potentiel plus ou moins dense, moins de cinquante devraient être concernés par une telle méthode.

L’autre conséquence inévitable va être les difficultés liées à l’acceptation de ces projets de conservation dans le tissu social local. En effet, les meilleures réussites en terme de protection de milieux naturels sont celles qui bénéficie d’une dynamique locale forte. La solution de micro sites mis sous cloche ne peut permettre de lancer une dynamique locale à même de répondre à la gestion des sites périphériques laissés sans protection. Les acteurs locaux vont assister en spectateur à des actions pilotes, sans avoir eux-mêmes possibilité de valoriser leur propre patrimoine naturel. C’est d’autant plus stupide que ces vieux vergers à châtaigniers sont des éléments forts du patrimoine local et que certaines actions d’entretien et de mise en valeur sont déjà aujourd’hui conduites de façon bénévole. Comment faire passer l’idée de conservation à terme de la biodiversité sans la transcender par un lien avec une identité territoriale.

- 2 - On peut privilégier la définition d’un périmètre englobant le plus possible de vergers ou d’alignements de châtaigniers en privilégiant une vision à moyen terme, basée sur un objectif de restauration des corridors biologiques entre noyaux denses, qui s’appuie sur les réalités patrimoniales de ces milieux, renforçant l’identité du territoire et rendant éligible à soutien financier l’ensemble des opérations de restaurations au sein de cet ensemble homogène.

On ne peut pas imaginer une perspective de réussite pour un projet se bornant à préserver quelques noyaux représentatifs, une belle vitrine de ce qui fut. Par contre, tout est envisageable en travaillant pour que les gardiens actuels de ce patrimoine soient soutenus à l’échelle d’un territoire plus vaste, pour qu’ils se réapproprient ce qui reste leur héritage.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


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