Depuis sept ans, "Les amis de la forêt de Bercé" tentent
de convaincre Cofiroute et l'administration de contourner le massif qui
leur est si cher. Leurs espoirs reposent aujourd'hui sur un coléoptère
en voie de disparition, protégé par des conventions nationale
et européenne.
Dernière chance de l'association des "Amis de la forêt
de Bercé" d'obtenir le contournement du massif forestier par la
future autoroute Alençon-Le Mans-Tours, le "pique-prune" brillait
jusque là par son absence.
Mais, la semaine passée, Frédéric Bourgneuf, un
entomologiste sarthois en a découvert une colonie, à l'endroit
même où il est prévu que le faisceau autoroutier passe.
Trouvaille dûment certifiée par le docteur Luce, chercheur
au Muséum d'histoire naturelle de Paris et expert européen
du "pique-prune".
Une véritable aubaine pour les opposants au projet autoroutier
qui ferraillent depuis sept ans contre Cofiroute. Alors on se prend à
rêver d'une fable de Bercé qui verrait un scarabée
de 8 à 10 cm triompher des tracto-pelles du promoteur. Vous avez
dit impossible ? Pas si sûr que cela répondent les naturalistes.
Pas de déménagement
D'une part parce qu'il existe des précédents, et d'autre
part parce que l'osmoderma eremita (nom scientifique du "pique-prune" et
sa zone d'habitat sont bel et bien protégés par des textes
officiels français et européens.
De surcoît, aucune mesure compensatoire n'est envisageable et
le déménagement du site est impossible. Tout simplement parce
que les paramètres du biotope de ce coléoptère sont
impossibles à reproduire. Le "pique-prune" vit dans les cavités
formées par le pic-noir, sur des feuillus centenaires implantés
dans un terreau aux propriétés spécifiques. A l'état
larvaire pendant trois ans, il ne vit que trois mois au stade adulte.
Cependant, rien de prédisposait cet insecte inoffensif à
devenir le trublion que l'on sait. Et alors que les responsables de Cofiroute
pensaient pouvoir escamoter le dossier en arguant que la zone de passage
du faisceau était majoritairement peuplée de conifères
et par conséquent inapte à abriter le barbot (autre appellation
de l'insecte), la découverte de Frédéric Bourgneuf
redistribue les cartes.
"Maintenant, à la lueur de cette information, les autorités
compétentes, élus et environnement, se devront de réfléchir
à
une réforme du projet", indique Christian Damenstein, le président
des "Amis de la forêt de Bercé", avant d'ajouter péremptoirement
: "On ne peut pas s'asseoir sur la loi !"
Manifestation le 15 septembre
Pour accentuer la pression sur le promoteur et le vouer aux gémonies
en cas de non respect des textes, l'association organise une nouvelle manifestation
le dimanche 15 septembre au rond-point Saint-Hubert.
Les naturalistes sarthois seront soutenus par leurs voisins du Maine-et-Loire
et d'Indre-et-Loire et offriront la possibilité à tous les
manifestants, après avoir déjeuner ensemble, de découvrir
les zones de la forêt concernées par le tracé.
Une démarche destinée à faire prendre conscience
du caractère exceptionnel du site. Car M. Damenstein aime à
rappeler que lui et ses acolytes ne se battent pas exclusivement pour la
faune, ils pensent aussi à l'homme qui ne peut sacrifier un tel
joyau sur l'autel du mercantilisme.
La lutte continue donc, mais les forces s'équilibrent. Optimiste
comme jamais, Christian Damenstein brandit "une argumentation très
étayée, pour aller au feu."
Pierre-Yves ANSQUER
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