Poursuivie depuis plus de 40 ans, la politique autoroutière de la France atteint aujourd’hui une étape décisive car deux facteurs agissent pour imposer un changement. Le premier, à l’œuvre depuis longtemps, aurait justifié à lui seul une réflexion plus précoce. En effet, les besoins ont évolués dans le domaine routier. On peut aujourd’hui raisonnablement considérer que la constitution du réseau autoroutier de rase campagne est en voie d’achèvement ; seuls quelques compléments pourraient éventuellement être nécessaires à l’avenir. A l’inverse, de nouveaux besoins sont apparus. Les problèmes routiers, aujourd’hui, sont en effet, différents. Ils concernent en priorité les zones urbaines, le dégagement et le contournement des agglomérations, l’entretien du réseau routier national pour lequel un retard important a été pris, enfin la régulation d’un trafic routier de plus en plus dense sur les grands axes. Plus largement, l’urgence de définir et de mettre en œuvre une politique d’ensemble des transports, fondée sur une réflexion intermodale, reconnue par des textes déjà anciens, s’impose désormais. Le second facteur appelant un changement est plus récent mais aussi plus contraignant. Les obligations juridiques auxquelles la France doit à présent se plier amènent à une évidence : tel qu’il est pratiqué, le système autoroutier a vécu. Le bilan dressé par la Cour confirme les constats et les mises en garde formulées depuis de nombreuses années. Il la conduit aussi à réitérer ses recommandations. Il n’est pas contestable que la politique autoroutière a doté la France d’infrastructures de qualité indispensables à son développement. Il n’est pas douteux non plus qu’un tel résultat a été obtenu grâce à la mobilisation aisée de financements que le budget de l’Etat aurait peiné à assurer. Mais ceci n’a pas été acquis sans risques ni inconvénients. Ainsi, des autoroutes ont été construites et mises en exploitation alors qu’il aurait mieux valu parfois faire des routes ou mieux utiliser ou aménager celles qui existaient déjà. De même, les conséquences des choix autoroutiers sur l’emploi et l’aménagement du territoire ont été moins favorables que prévues alors que leurs incidences sur l’environnement ont été souvent sous-évaluées. Enfin, les dettes contractées par l’ensemble des sociétés concessionnaires ont continué à croître et leur remboursement repose sur des hypothèses fragiles dont la confirmation est d’autant plus aléatoire qu’elle est éloignée dans le temps. Imposée par des circonstances extérieures et encore mal dessinée dans ses modalités, l’inéluctable réforme de la politique autoroutière doit conduire l’Etat à agir dans deux directions. Il lui faut élaborer et faire accepter une politique des transports où la progression du mode routier sera mieux maîtrisée. Il devra aussi assurer, pour l’ensemble du réseau national, la cohérence de la programmation des équipements, celle des choix des financements, de l’exécution des investissements, de l’exploitation et de l’entretien. Il instaurera, ainsi et enfin, l’unité de la décision, mission qui lui incombe en propre. La mise en œuvre d’une politique globale des transports fondée sur une approche intermodale et une logique de services implique un arbitrage d’ensemble, tant au sein du mode routier qu’entre les différents modes. Il convient en conséquence de faire en sorte que les choix ne soient plus principalement déterminés par les conditions de financement. Cour des Comptes - 23-06-1999 |