LA POLITIQUE AUTOROUTIERE FRANCAISE
RESUME

CHAPITRE I - LES CARACTERISTIQUES DU SYSTEME AUTOROUTIER FRANÇAIS

SECTION I - LA PREDOMINANCE DU MODE ROUTIER 

La prédominance du mode routier, qui résulte pour une très large part des avantages qu’il offre à l’échelle des décisions individuelles, a été fortifiée par les politiques publiques grâce à une fiscalité favorable (fiscalité du gazole, taxe à l’essieu...) et à l’amélioration des infrastructures routières due en particulier au développement du réseau autoroutier.

Contrairement aux principes fixés par la loi d’orientation des transports intérieurs du 30 décembre 1982 (LOTI), les schémas directeurs routiers successifs ne se sont pas inscrits dans une politique globale des transports. Pour l’approche intermodale, qui est l’un des principes directeurs de la politique communautaire des transports, la France apparaît en retard par rapport à d’autres pays de l’Union européenne. 

Les structures administratives du ministère chargé de l’équipement et des transports demeurent cloisonnées et les études intermodales insuffisamment développées. Certes, les dossiers de projets autoroutiers soumis à enquête publique se conforment désormais à l’obligation de comparaison entre route et autoroute ainsi qu’avec les autres modes de transport. Mais les méthodologies utilisées restreignent la portée des comparaisons et, de surcroît, l’échelle du projet n’est souvent pas adaptée à l’approche intermodale qui pour être véritablement pertinente devrait, dans bien des cas, s’inscrire dans une réflexion plus globale telle que la desserte d’un axe.

Afin d’examiner les moyens de faire face aux perspectives d’augmentation de trafic sur l’axe Nord-Sud, deux études par " corridor " ont toutefois été établies en 1992 sur l’axe A 7-A 9 (dit " corridor sud ") et en 1996 sur le " corridor nord ". Cependant ces études, dont la méthodologie demeure encore rudimentaire sur certains points, sont inégalement développées selon les projets et, en particulier, sont demeurées au stade des prémisses en ce qui concerne les modes autres que routiers quand bien même qu’elles reconnaissent que ceux-ci peuvent avoir un impact significatif voire important sur le trafic de fret. L’étude sur le corridor sud estimait ainsi que les capacités de délestage de l’A 7 par des solutions non routières représentaient entre 49,6 % et 64 % du trafic de poids lourds à l’horizon 2010, et ce alors même que l’étude indiquait que la méthodologie utilisée pour les comparaisons de mode défavorisait les solutions non routières car les calculs ne tenaient pas compte de leur effet de délestage au nord de Lyon. Cette étude met par ailleurs en évidence que la construction de nouvelles infrastructures autoroutières n’apporte qu’une solution temporaire aux problèmes de congestion du réseau routier et autoroutier. Par ailleurs, les études de corridors ne comportent pas de calculs d’évaluation de leur rentabilité économique et sociale (corridor nord) ou des calculs qui présentent des biais (corridor sud).

Une réflexion intermodale apparaît particulièrement nécessaire dans les zones dites " sensibles " et notamment en montagne tant pour des raisons de préservation de l’environnement que de sécurité. Le projet de loi d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire en cours d’examen prévoit que " pour les marchandises, le développement de l’usage du transport fluvial et ferroviaire et du cabotage maritime, notamment par le biais du transport combiné, revêt un caractère prioritaire (...). En particulier, pour le transit international franchissant les Alpes et les Pyrénées, les schémas de services collectifs de transport donnent priorité au mode ferroviaire ". L’incendie du tunnel du Mont-Blanc vient confirmer tragiquement cette impérieuse nécessité.

Cependant, une politique intermodale requiert d’harmoniser les conditions de concurrence entre les différents modes et de prendre en compte les externalités positives et négatives, en particulier dans les domaines de l’environnement et de la sécurité, afin de rechercher une distribution efficace des ressources entre les différents modes et d’éviter que le volume des transports augmente au-delà de leur utilité économique et sociale réelle.

La mise en œuvre d’une telle politique apparaît plus que jamais indispensable. Les scénarios d’évolution de la demande de transport mettent en évidence des perspectives de croissance du trafic routier qui apparaissent difficilement compatibles avec les engagements internationaux de la France en faveur d’un développement " durable ". Les transports représentent actuellement plus de 60 % du pétrole utilisé en France et près de la moitié de la consommation d’énergies fossiles. C’est le seul secteur dont la consommation d’énergie augmente de façon continue au taux moyen de 2 % par an. Il est responsable de 37 % des émissions de CO2 dont 80 % pour le mode routier.

Tout retard dans l’adaptation du secteur des transports accroîtra fortement la charge de l’effort pesant sur les autres secteurs de l’économie pour respecter les engagements de la France au titre du protocole adopté le 10 décembre 1997 à la conférence de Kyoto sur le climat.

Rompant avec la logique de maillage systématique posé par la loi d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995, le projet de loi pour l’aménagement et le développement durable du territoire propose une nouvelle approche qui devrait conduire à réformer profondément la politique des transports afin que les questions soient d’abord posées en terme de service rendu à l’usager et à la collectivité et seulement ensuite traduites en mesures d’exploitation ou de création d’infrastructures sans qu’un mode soit a priori retenu plutôt qu’un autre.

SECTION II - UN SYSTEME ECONOMIQUE ETROITEMENT DEPENDANT DE L’ETAT

Hormis COFIROUTE, l’unique société concessionnaire privée, le système autoroutier continue d’échapper aux modes de régulation du marché, et demeure largement administré.

I. - LES LIENS AVEC L’ETAT 

Dans ses rapports successifs, la Cour a relevé à de multiples reprises que les modalités de fonctionnement du secteur autoroutier étaient exorbitantes au regard du droit commun des concessions qui prévoit que les concessionnaires assurent l’exploitation de la concession à leurs frais et risques. Elle a constaté qu’à l’exception d’une société à capitaux privés (COFIROUTE), les sociétés concessionnaires étaient, selon les termes du rapport public de 1990, des sociétés d’économie mixte " largement fictives ", caractérisées par l’insuffisance de leurs fonds propres et la faiblesse de leur autonomie de gestion. 

En novembre 1993, le gouvernement a décidé d’accélérer la mise en œuvre du programme autoroutier : les 2 600 kilomètres d’autoroutes concédées qui restaient à construire devaient être engagés en dix ans (1994-2003) et non pas en 15 ans comme prévu initialement. Mais les faiblesses de la structure financière des SEMCA, relevées par la Cour dans ses rapports successifs, empêchaient le système autoroutier de faire face à ce programme d’investissement, évalué à quelque 140 milliards de francs 1994, dans le délai ainsi imparti.

C’est pourquoi une réforme du système a été mise en œuvre en 1994-1995. Le capital des SEMCA, qui représentait moins de 28 MF en 1993 pour un chiffre d’affaires de 17 milliards de francs et un endettement de 80 milliards de francs, a été porté à 1,63 milliards de francs par capitalisation des avances d’actionnaire reçues de l’Etat. Les SEMCA ont, de surcroît, été regroupées en trois pôles régionaux par filialisation autour des sociétés dont l’assise financière était la plus solide. En outre, des contrats de plan entre l’Etat et les sociétés concessionnaires ont été conclus pour la période 1995-1999, afin de conférer aux dites sociétés une plus grande autonomie de gestion, notamment en ce qui concerne la tarification.

Toutefois, en dépit de ces évolutions, le secteur autoroutier demeure étroitement dépendant de l'Etat.

Celui-ci, dans le cadre de ses responsabilités en matière d’aménagement du territoire, détermine le schéma directeur routier et établit l’ordre de réalisation des autoroutes. Il choisit les concessionnaires d’autoroutes et négocie les clauses techniques et financières de la concession. Il exerce la tutelle technique et financière sur les sociétés concessionnaires. La recapitalisation des SEMCA en 1994-1995 a encore accru la part du capital détenue directement ou indirectement par l’Etat. Celui-ci détient, pour les sociétés mères plus de 99 % du capital des SEMCA, directement à raison de 45 %, ou indirectement par l’intermédiaire de l’établissement public " Autoroutes de France " (ADF) et de la Caisse des dépôts et consignations. Les sociétés concessionnaires ne sont ainsi que des pseudo-sociétés d’économie mixte. Depuis la reconstitution par ADF du capital de la SFTRF fin 1998, seule l’ATMB a une part substantielle de son capital détenue par les collectivités territoriales et des intérêts privés.

La politique des " contrats de plan ", vise certes à responsabiliser les sociétés à qui sont fixés des objectifs à moyen terme et avec lesquelles sont pris des engagements pour favoriser notamment leur efforts de productivité. Mais la marge d’autonomie des SEMCA demeure extrêmement limitée. En effet, bien que fonctionnant théoriquement comme des entreprises, ces sociétés ne sont pas maîtresses des grands choix qui décident de leur activité, qu’il s’agisse de leur structure financière, de leur politique en matière de personnel (instruction ministérielle de recruter des CES ou de limiter le développement de l’automatisation des péages afin de maintenir le niveau de leur effectif, par exemple) ou de salaires et surtout de leur programme d’investissement. Le programme annuel des dépenses d’investissements et d’emprunts est, en effet, soumis à l’approbation de l’Etat dans le cadre du Comité des investissements à caractère économique et social (CIES), qui a remplacé, en application du décret du 27 novembre 1996, le fonds de développement économique et social. Les SEMCA ne sont pas toujours en mesure de se soustraire aux demandes de l’Etat, actionnaire majoritaire.

En contrepartie, les SEMCA bénéficient de la garantie de l’Etat. Les concessions conclues avec elles dérogent, en effet, au droit commun selon lequel les concessionnaires devraient construire et exploiter les autoroutes à leurs risques et périls. L’intégralité des risques est reportée sur l’Etat. Les emprunts des SEMCA ne sont officiellement plus garantis par l’Etat depuis 1977 pour les emprunts émis sur le marché intérieur et, depuis 1991, pour ceux émis sur le marché international. Mais, compte tenu de la part de l’Etat dans le capital des sociétés et de la qualité d’établissement public de la Caisse nationale des autoroutes, les emprunts des SEMCA bénéficient d’une quasi-garantie et sont, ainsi particulièrement attractifs pour les investisseurs.

Le système des SEMCA n’est donc pas astreint à la rentabilité financière ni à la distribution de dividendes. Il a été conçu pour que le produit des péages puisse être réinvesti, d’une part, et pour parvenir à l’équilibre à la date de fin des concessions, d’autre part. En l’absence de régulation par le marché, le seul mécanisme de maîtrise mis en place par les tutelles a été de calculer au plus juste, à l’initiative du Trésor, les allongements de la durée des concessions nécessaires du fait de l’extension du réseau.

Les facilités du recours au système autoroutier concédé concourent à renforcer encore la prépondérance du développement du mode routier au détriment de la mise en œuvre d’une politique durable des transports.

Bien qu’étroitement dépendant de l’Etat, le secteur autoroutier se révèle mal maîtrisé par des autorités de tutelle dont les positions sont dépourvues d’unité. Les contraintes budgétaires incitent la direction des routes à être favorable à l’extension du secteur autoroutier concédé qui lui permet de mettre en œuvre le schéma directeur routier dans des délais qui satisfont les vœux des élus. La direction du Trésor, garante des intérêts de l’Etat actionnaire, assure le secrétariat général du CIES et doit veiller à ce que la politique d’emprunt du secteur public et parapublic corresponde à une affectation satisfaisante de l’épargne nationale. Cependant, le CIES intervient tardivement dans la procédure, à un stade où, compte tenu de l’état d’avancement des dossiers, la remise en cause des choix d’investissement initiaux apparaît politiquement difficile. Les services du ministère des finances ne disposent pas non plus de tous les éléments d’information nécessaires pour expertiser les évaluations de rentabilité socio-économique et financière des projets présentés par la direction des routes.

II. - LES PRATIQUES COMPTABLES

L’activité des sociétés concessionnaires d’autoroutes se caractérise par un décalage dans le temps, généralement très important, entre la construction d’infrastructures particulièrement coûteuses, d’une part, et le franchissement du seuil de rentabilité de ces équipements, d’autre part. Ainsi, les concessionnaires se trouvent confrontés à la nécessité de supporter pour des périodes de longue durée un excédent massif des frais de structures sur les produits d’exploitation, tout particulièrement au cours de la phase de montée en charge du réseau. L’application à ces sociétés des règles commerciales de droit commun en matière d’amortissements et d’imputation des résultats se traduirait, dans les premières années suivant la réalisation d’un investissement, par un déficit tel que leur existence même s’en trouverait compromise.

Dès lors, les sociétés concessionnaires ont eu recours, avec l’accord de la tutelle, à une formule consistant à différer dans le temps la prise en compte des charges de structures de façon à éviter que leur montant soit imputé au titre des pertes. Le Conseil national de la comptabilité avait admis cette pratique en 1975 et à certaines conditions.

La Cour a, de longue date, critiqué la perpétuation abusive de pratiques comptables dérogatoires qui ont permis aux SEMCA de s’affranchir des normes comptables en différant la constatation de charges et de pertes et de reporter le retour à l’équilibre à une échéance repoussée de proche en proche par les allongements successifs de la durée des concessions. Dans un avis du 11 octobre 1988, le Conseil national de la comptabilité a, lui aussi, recommandé de mettre fin à ce système et appelé les Pouvoirs publics à prendre des dispositions.

Comme l'observe la direction du Trésor dans une lettre de saisine du Conseil national de la comptabilité datée du 27 février 1998, "le système comptable actuel des sociétés concessionnaires publiques est, en partie, à l'origine des dysfonctionnements des modes de décision en matière d'investissements routiers. Il nuit à la clarté de la situation financière des sociétés. Toute révision à la baisse de la croissance du trafic par rapport aux prévisions ou tout dérapage des charges de la société ne se traduit pas par la dégradation d'un quelconque résultat, seul le stock des charges différées augmente, sans aucune contrainte créée par le niveau des fonds propres des sociétés".

Le système des charges différées favorise ainsi une dynamique d'extension incontrôlée du réseau autoroutier concédé. 

III. - LA PRATIQUE DE L’ADOSSEMENT

Le système dit " d’adossement " a permis de financer la réalisation de nouvelles autoroutes par des emprunts gagés sur les recettes des concessions des sections autoroutières déjà amorties, dont la durée de concession a été, le plus souvent allongée pour compenser la prise en charge de la nouvelle liaison par la société désignée.

Jusqu’à présent, l’attribution des concessions obéissait, depuis la loi du 18 avril 1955 portant statut des autoroutes, à des principes directeurs : d’une part, l’Etat pouvait retenir librement et discrétionnairement le concessionnaire de son choix, d’autre part, le choix de l’Etat était guidé par une logique géographique et de solidarité financière. La loi précitée autorise l’affectation du produit du péage à " l’extension de l’autoroute ". Comme la Cour l’a souligné à maintes reprises (rapports publics de 1973, 1986 et 1990, rapport public particulier de 1992), " l’extension éventuelle " prévue par la loi de 1955 pouvait s’entendre comme un prolongement physique assez limité de la section concédée. A la suite d’une inflexion du sens de cette disposition, cette extension s’applique désormais à toute section nouvelle ajoutée au réseau déjà concédé quelles qu’en soient la longueur, la cohérence et la continuité avec les sections en exploitation. Aux règles de concession d’origine, qui distinguaient des sections autoroutières homogènes en concessions différentes ayant des dates d’expiration échelonnées ont, en effet, été substituées des concessions globales. Cette pratique, critiquée à de multiples reprises, renforce les effets de l’adossement. L’allongement de la concession équivaut à un apport financier ainsi que le reconnaissent d’ailleurs les dossiers du CIES. Comme l’a relevé la Cour à plusieurs reprises et notamment au rapport public particulier de 1992, " l’interprétation particulièrement large de la loi de 1955 sur les concessions quant à l’extension des concessions, combinée avec le maintien dans ces concessions des autoroutes les plus rentables dont les emprunts ont été amortis et sur lesquels les péages auraient dû être limités à la couverture des frais d’exploitation, permet de financer des sections nouvelles quelle qu’en soit la rentabilité ".

Ce mécanisme aboutit, de surcroît, à une fermeture du marché puisque seules les sociétés déjà titulaires de concessions peuvent se porter candidates. Il est remis en cause par l’évolution du droit.

La directive du Conseil des communautés européennes du 18 juillet 1989 modifiant la directive 71-305-CEE portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux soumet les nouvelles concessions de plus de 5 millions d'écus à des conditions de mise en publicité.

En France, cette prescription n’a été appliquée qu’avec retard du fait d’une transcription tardive et de la mise en place d’un régime transitoire dérogatoire. Il a fallu d’abord attendre la loi du 3 janvier 1991, relative à la transparence et à la régularité des procédures de marché et soumettant la passation de certains contrats à des règles de publicité et de mise en concurrence. Puis, le décret d'application qui définit notamment les mesures de publicité à respecter, n'a été pris que le 31 mars 1992 soit vingt mois après l'expiration du délai de transposition. Cette obligation de mise en concurrence a été confirmée par la loi dite " SAPIN " du 29 janvier 1993, relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques.

Il est clair aujourd’hui que ce nouveau régime juridique ne permettra plus au système d’adossement de fonctionner à l’avenir, du moins tel qu’il a été pratiqué jusqu’à présent, puisque l’Etat est soumis à une obligation de mise en publicité dans le respect des règles et principes d’égalité de traitement et de non discrimination.

Un système " transitoire " a fonctionné jusqu’au 31 décembre 1997 pour certaines sections dont le concessionnaire avait été désigné de façon informelle, par lettre du ministère de l’équipement avant l’entrée en vigueur de la directive, et qui avaient été intégrées sous forme de simple mention dans les cahiers des charges des concessions après le 22 juillet 1990 sans publicité préalable : un décret du 21 février 1994 a dispensé de l'obligation de publicité les contrats dont le titulaire avait été " pressenti " avant le 22 juillet 1990 et avait, en contrepartie, engagé des études et des travaux préliminaires. Dans bon nombre de cas, les concessions d’autoroutes ont été attribuées à une société sans que les projets aient été véritablement définis. Les sections ont été intégrées dans le cahier des charges sous forme de " concession de principe " par une simple mention, les conditions techniques et financières de leur réalisation étant renvoyées à des avenants ultérieurs. Une grande partie des projets inscrits au schéma directeur national routier ont été concédées dans ce cadre.

Ce système a été finalement toléré par la Commission européenne à la suite d’échanges avec le gouvernement français. La Commission a souhaité que sept ans après l’entrée en vigueur de la directive, toutes les concessions de " principe " soient régularisées, c’est-à-dire que soient enfin intégrées dans les cahiers des charges des concessions les caractéristiques techniques et financières de réalisation de ces sections, notamment l’allongement de concession nécessaire.

Quatre avenants sont ainsi intervenus entre septembre et fin décembre 1997 pour dix sections d’autoroutes. Ces avenants devraient, en principe, être les derniers à utiliser la pratique de l’adossement par allongement de la concession, du moins telle qu’on l’employait jusqu’ici. Il est à souligner que parmi les sections bénéficiant de la pratique de l’adossement au titre de la régularisation des " coups partis " figurent des liaisons dont la rentabilité financière prévisionnelle est des plus faibles et dont le ministère de l’économie et des finances a réclamé à maintes reprises le report ou l’abandon. Certains avenants portent sur des projets qui ne figurent pas au schéma directeur de 1992. De façon générale, les concessions ont souvent été passées avant même que les liaisons concernées soient déclarées d’utilité publique.

Pour les sections pour lesquelles l’Etat n’avait pas " pressenti " de concessionnaire avant le 22 juillet 1990, le ministère a procédé à des mises en publicité. Dans certains cas, il apparaît que la portée de la directive " travaux " a été mésestimée.

Jusqu’à ce que la " directive travaux " commence à être appliquée, le système autoroutier d’économie mixte exorbitant du droit commun des concessions, a ainsi échappé tant aux contraintes de rentabilité financière du secteur privé qu’aux contraintes budgétaires.

Compte tenu des facilités de financement procurées par le mécanismes d’adossement, le réseau autoroutier s’est donc développé de façon quasi " indolore " pour l’ensemble des partenaires qu’il s’agisse :

- de l’Etat qui n’engage pas de crédits budgétaires, contrairement à la situation observée pour les autres voies du réseau national, et dont la dette publique n’est pas grevée par les emprunts contractés pour financer la construction d’autoroutes ;

- des collectivités territoriales qui réclament d’autant plus souvent des liaisons autoroutières qu’elles ne participent pas à leur financement alors qu’elles sont conduites à contribuer de façon croissante à celui du reste de la voirie nationale dans le cadre des contrats de plan ;

- des sociétés d’autoroutes qui bénéficient, s’agissant des SEMCA, d’un financement par emprunts, de facto garantis par l’Etat et ne sont pas soumises à des contraintes de rentabilité financière hormis pour la seule société à capitaux privés, COFIROUTE.

- des usagers qui acceptent généralement bien le principe du péage compte tenu des prestations autoroutières, d’autant que les augmentations de charge sont en large partie reportées sur les usagers futurs par le biais de l’allongement de la durée des concessions.

Cette dynamique a été d’autant moins contrôlée que la procédure de décision et les études préalables étaient loin d’éclairer suffisamment des décisions largement déterminées par le mode de financement.

RECOMMANDATIONS DE LA COUR SUR LE CHAPITRE I

- Organiser les transports dans une approche intermodale, fondée sur une logique de service aux usagers plutôt que sur une offre d’infrastructures et respectant les engagements internationaux de la France pour un développement durable.

- Améliorer l’évaluation et la prise en compte des coûts externes et harmoniser les conditions de la concurrence entre les modes de transport

- Coordonner la politique routière nationale entre secteur concédé et secteur non concédé, au point de vue des investissements, de l’exploitation, de l’entretien et de la sécurité. Mieux articuler le réseau routier national et les réseaux locaux.

- Réorganiser les structures de l'administration centrale du ministère de l’équipement en conséquence.

- Attribuer les concessions autoroutières dans le respect des règles de mise en concurrence.

(suite...)
Cour des Comptes23-06-1999